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RECHERCHES SUR MORE.
Par la cession des titres constatant le prêt de dix mille livres hypothéqué sur la maison des piliers des halles, Ma­deleine Poquelin était devenue propriétaire de cette maison pour un tiers. Les deux autres tiers ^appartenaient Tun à Jean-Baptiste Poquelin, avocat au Parlement, fils de Jean Poquelin le jeune, frère puîné de Molre, et de Marie Mail­lard; André et Jean-Baptiste Boudet, fils du beau-frère de Molière, avaient hérité de l'autre tiers. C'est au nom de ces propriétaires, tous les quatre cousins-germains, que sont pas­sés les deux baux de la maison des piliers des halles, faits les 24 janvier 1695 et 21 mai 1700 à Pierre Gaubert, « mar­chand fripier1. » La maison est louée d'abord sept cent cin­quante livres, et cinq ans après, neuf cents ; on se rappelle que Poquelin re la louait six cents, et cette progression rapide dans le prix des loyers vaut la peine d'être remar­quée. Une autre observation résulte encore de la lecture de ces deux baux et de la profession du locataire; elle est rela­tive à la tradition qui a fait naître Molre en 1620, sous les piliers des halles. Grimarest, qui allait publier quelques an­nées plus tard la Vie de Molière*, put savoir qu'à l'époque où il écrivait, la maison de Jean Poquelin avait pour proprié­taires les deux frères Boudet, et il dut en conclure que la mère de Molière se nommait aussi Boudet. Mais Grimarest n'avait pas donné de prénom à la mère supposée de Molre, et quant à la maison des piliers des halles, il s'était contenté de dire qu'elle appartenait « en propre » à la famille Poquelin, sans s'avancer jusqu'à y faire naître Molre et sans même fixer la date de sa naissance3. Voltaire, qui a la prétention d'être plus vrai que Grimarest, voit ensuite la maison des piliers des halles occupée par un fripier, et il ajoute immédiatement qua­tre erreurs au texte de celui qu'il censure si aigrement : il fait naître Molière en 1620, « dans une maison qui subsiste en­core sous les piliers des halles, » fait de son re un mar-
j. Documents n°' LVI et LVII.
2.  L'approbation signée de Fontenelle est du 15 décembre 1704.
3La vie de M. de Molière, 1705, page 5.